Je n’ai pas eu la chance de converser avec Béla qui savait tant écouter les autres avec patience. Mais je me sens rattaché à son histoire, celle d’une petite fille qui a été internée, bébé, en tant que juive et allemande, dans le camp de Gurs, et qui, grâce à une septicémie providentielle, est sortie du camp et a réussi à vivre.
Je me sens rattaché à son itinéraire. Elle, qui a tenté, en tant que thérapeute, d’apporter un soutien psychologique à des enfants aux parcours difficiles.
Je me sens rattaché à son nom, que je rappelle au rabbin de ma synagogue, tous les samedis matin, au moment où il récite la prière que nous faisons pour évoquer la mémoire de nos disparus de l’année.
Les récits sur celles et ceux qui nous quittent s’inscrivent dans ce besoin de créer des liens entre les générations, de laisser une trace de leur présence. Je ressens personnellement l’impérieuse nécessité de me rattacher à ces mots, à ces textes, comme un moyen de surmonter notre propre finitude. Béla est une belle incarnation de ces femmes qui ont su se reconstruire malgré la tragédie de la guerre. Elle est le symbole de l’espérance juive. Elle a consacré sa carrière professionnelle aux thérapies d’enfants comme le besoin de réparer ce que la vie lui avait fait subir dans sa petite enfance. Elle nous a quittés la veille du trente-troisième jour du Omer, rejoignant le maître de la Kabbale, Rabbi Shimon bar Yohaï dont nous célébrons chaque 18 iyar, l’anniversaire de son décès. Béla restera présente dans nos mémoires. Ceux qui ont bénéficié du bienfait de ses paroles pourront en témoigner.