Claudine Cohen

Ce qui me frappait en elle, c’était sa gaîté. Je l’ai toujours vue joyeuse, enjouée, presque facétieuse et même parfois un peu exubérante. Elle semblait avoir une immense joie de vivre,  tout en gardant les pieds sur terre. Je sais qu’elle a  été psychanalyste, mais elle n’avait pas l’air de tristesse un peu lasse qu’arborent  en ville certains de ceux qui exercent ce métier. 

Elle avait aussi quelque chose d’un peu enfantin, je me souviens de la fierté et de la grâce avec laquelle elle portait, lors de la projection d’un film  consacré à Henri à l’EHESS, une magnifique robe en velours violet qui soulignait sa belle silhouette. Je me souviens aussi de sa présence fière et souriante lors de la soutenance de thèse d’Henri à la Sorbonne, il y a cinq ans,  et au « pot » qui a suivi. Elle  assistait parfois  à nos séminaires et nous avions une relation d’une chaleureuse familiarité. 

J’ai été d’autant plus surprise lorsque j’ai lu le court texte biographique qu’Henri a fait paraitre au moment de son décès. Il était question d’une enfant internée peu après sa naissance au camp de Gurs, atteinte de septicémie, sauvée in extremis par des résistants, cachée, orpheline recueillie par l’OSE et élevée par l’assistance publique. Elle avait survécu à toutes ces terribles épreuves. Je n’imaginais pas cela – comment pourrait-on l’imaginer ? – mais j’ai alors compris  la profondeur  de sa gaîté, qui  traduisait sans nul doute le triomphe de la vie et de la joie de vivre sur  la souffrance et les forces  du mal —  ce qu’on appelle  la résilience — , et aussi la profondeur du lien qui pouvait l’attacher à Henri.

C’est un honneur pour moi que d’avoir pu entretenir une amicale proximité, au cours de ces années, avec le très beau couple  qu’ils formaient ensemble. 

Paris, le 26 février 2022